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L'annulation pure et simple fût considérée, mais l'équipe opta courageusement pour un maintien grâce à la mise à disposition d'un autre site néanmoins préstigieux, "l'Hôtel Dieu" à Baugé-en-Anjou. Cette édition a donc pu avoir lieu grâce à un savant mélange de témérité, de courage, de dépassement logistique, de bonne volonté des autorités publiques et de restriction du capital sommeil de tout un chacun.
Ce n'est pas le premier déboire que dû subir le jeune festival Herbe bleue qui naquit un an avant la pandémie, traversa le désert de celle-ci, parcourut péniblement le champ de mines des pass sanitaires qui s'ensuivit pour déboucher finalement sur ce cataclysme environnemental.
Il est ainsi particulièrement admirable que cette édition, tout comme les précédentes d'ailleurs s'avère une telle réussite. Familiale, chaleureuse, pointue et populaire, le festival parvient à convenir autant à un public novice qu'aux mercenaires de la jam.C'est à se demander ce que l'Herbe Bleue pourrait être sans crise mondiale majeure.
Le site ouvrit ses portes lundi à 16h et je me trouvais prête à accueillir les festivaliers sur le parking. Car comme beaucoup je ne me cantonnais pas au rôle de musicienne pour lequel on m'avait recruté et multipliais les casquettes.
Le thermomètre affichait toujours une température aussi vertigineuse mais après une semaine passée dans la suie et sous un ciel opaque de fumée, nous étions relativement accoutumés aux 36 degrés moyens.
Ce n'était malheureusement pas le cas du duo Oldtime 'Hills of Belgium' qui a ouvert la programmation du festival vendredi soir. Jouer sous un tel cagnard n'est bon ni pour les instruments ni pour les instrumentistes et à plus forte raison lorsque ceux-ci sont belges et que la bière est française (bien que la bière fût très bonne, selon nos standards...). Ils ont malgré cela présenté un set old time (Banjo Clawhammer / Fiddle / Voix) d'une grande qualité. Ceux qui les connaissent ont à peine décelé une variation de tempo liée aux conditions 'Sauna'. Les autres ont découvert ce qui se fait de mieux ces dernières années dans le domaine des musiques rurales américaines à Bruxelles.
C'est seulement vers 21h que Le public sort des abris pour se hasarder sur la pelouse devant la scène.
En seconds sont programmés Mathis Haug & Benoît Nogaret au grand bonheur des tricoteurs guitaristiques. Leur délicatesse de jeu n'a d'égale que leur humilité. Le style est moins strictement Bluegrass ou Old Time mais sans dénoter.
En 3ème arrivent les Doblos Mountains Boys. Dans le milieu lorsqu'un nom de groupe se termine en 'boys', vous vous attendez à une poignée de millenials qui jouent vite et fort. C'est tout à fait le cas, mais pas que. Ils n'oublient pas d'être au service du collectif et de la finesse. Les américains n'ont qu'à bien se tenir.
Une belle jam sous la buvette clôture cette première journée miraculée. Une trentaine de pompiers (à qui l'entrée du festival est offerte) viennent même boire un verre entre deux feux.
Le lendemain à l'ouverture du festival, la température persiste à 37°. J'accueille l'atelier de Sacred Harp, simultanément dans les clairières et sous les arbres se tiennent les ateliers d'harmonica, de mandoline, de danse flatfoot, de violon et de banjo. Il y en a pour tout le monde.
Plus tard dans l'après-midi a lieu la traditionnelle conférence de Camille Moreddu ainsi que la présentation d'instruments de Sam Hutchings.
Les concerts commencent à 19h30 avec les américains de Level Best que l'on a pu entendre au rassemblement FBMA d'hiver à Vichy. Eux aussi sont brûlés au premier degré par la chaleur insoutenable mais s'en sortent avec le standing évident du bluegrass des natifs.
Mon coup de cœur personnel de cette édition va pour le duo suivant que l'on a affectueusement surnommé "les anglais" par manque de créativité (d'autant que l'un d'entre eux est Gallois). Arrivés en avance dès les prémisses de l'incendie, Robbie Caswell Jones et Damon Kilcawkey ainsi que leur compagnon de voyage Patrick ont été de toutes les jams, toutes les scènes ouvertes, toutes les déambulations. Ils sont allés jouer au marché, ils ont participé à l'affichage, peint des panneaux, monté des barnums etc. Toujours avec une bonne humeur à en faire oublier leur génie musical à toute épreuve. Ils sont de plus une formation 'récente' en tant que duo, il était donc sidérant de découvrir un "brother duet" aussi mature.
Enfin, l'herbe bleue est également un festival récent mais il a déjà ses traditions dont l'une est de finir la journée du samedi avec un groupe de Cajun festif ! Succès avec le nouveau trio 'Gombo Chaoui' made in montreuil. Les haricots ne sont pas salés mais ça n'est pas leur fin. Après un rappel fourni et endiablé, Gombo Chaoui descend de scène pour laisser retentir la jam tant attendue du samedi soir.
Les violons sont dégainés et la bière coule à flot. Les Old Timey ont gagné la place la plus proche de la buvette et ont sorti les planches de flatfoot. Les bluegrasseux ne sont pas en reste sous le barnum un peu plus loin. Deux jams se forment certes, mais ces musiciens s'appuient les uns sur les autres comme les deux versants d'un château de carte. Beaucoup d'entre eux circulent d'ailleurs d'une jam à l'autre. Les deux tribus cousines mènent leurs convois simultanément de ville en ville dans une affection mutuelle. Il faut croire que cette transhumance comprend désormais un direct la Roche Sur Foron -> Baugé en Anjou.
C'est drôle, car je vois beaucoup de musiciens pour la première fois du weekend. J'en déduis que certains ont passé le plus clair de leur temps à jammer sur le camping municipal. Soit parce que les jams étaient bonnes, soit pour la piscine (ou les deux).
Cette soirée se termine au petit jour avec en cadeau du ciel une abondante pluie salvatrice.
Le dimanche matin, c'est l'heure d'une autre tradition du festival : la gospel hour. Il s'agit d'un temps dédié à l'absolution des péchés et à l'anarchie vocale.
Nouveauté de l'année, le musicien Julian Marshall anime ensuite une contredanse à l'aide d'un orchestre composé d'une dizaine de volontaires (dont "les anglais", bien sûr). Cela est rendu possible par des températures presque printanières. Le constat est toujours le même pour un bon nombre de participants 'pourquoi ne fait-on pas ça plus souvent'.
Après une nouvelle conférence, deux trois workshops et cinq/six bières, c'est Horla qui ouvre la programmation avec un set folk et traditionnel ciselé et émouvant.
Après c'est Léo Divary (Coucou, c'est moi). Il est illégal de parler de soi-même et de sa propre performance. Ainsi, à propos de ce concert, rien - on demandera à quelqu'un d'autre - note de Jam Hall :-).
Bruno Gareau et ses musiciens finissent enfin la journée avec un set introspectif de qualité , quoique un peu boudé de par un mélange de facteur indépendant de leur volonté. Peut-être un problème de choix horaire comme l'admettra volontiers un(e) membre de l'organisation souhaitant garder l'anonymat.
Il n'aurait plus manqué que cette édition, réorganisée en deux jours, soit sans faille !
Les festivaliers peuvent revenir lundi midi pour un temps informel sans programmation si ce n'est le collectif 'Pig Society extended'. C'est-à -dire une grande jam, histoire de revenir en douceur à la réalité.
J'en concluerais depuis ma position particulièrement biaisée que le festival Herbe Bleue est bien parti pour être le meilleur de son genre en France et dans mon coeur.
Article rédigé par Léo Divary